Retour deux ans en arrière. On arrive avec mes équipiers sur le plateau de Kurvelesh pour ouvrir les beaux canyons vu par satellite. Le trajet depuis Berat et la montée par la piste nous prennent la matinée. Première chose, on essaye de trouver à manger sur place. On trouve une Gargotte bien rustique et on commande. Très vite un jeune homme bien habillé arrive avec une belle mercedes, les deux contrastent avec le site. Il nous parle dans un très bon anglais et s’occupe de la transaction entre nous et la gérante. Vu le prix, on a le sentiment de s’être fait arnaquer, mais vu l’isolement du village, l’aspect de notre interlocuteur et les derniers accrochages entre l’armée et les narcotrafiquants récents, on ne relèvera pas mais ça me mettra le doute.
La suite des événements sera un gros orage avec une crue dans le Nivice (Ademi), on ira au Leckdush (Gura) ouvrir jusqu’à un chemin bien visible au nous mène au sommet d’une verticale imposante estimée à plus de 100 mètres. On reprendra la route le soir même, plusieurs d’entre nous dont moi étant inquiets de la situation étrange.
L’automne venu, Brice Cazale et Sylvain Carletti reviendront et feront la première de Gura et Ademi avec des amis, Le premier avec sa cascade de plus de 200 mètres et le second entrant dans le palmarès des plus beaux canyons d’Europe par son ampleur. La semaine suivante, Pascal Van Duin et David Sefaj ouvriront avec leur team Gusmar (Kozica), Progonnat (gjikiles) et plusieurs autres canyons confirmant ce « hot-spot area canyon » des Balkans.
Retour au printemps 2019. Pour ce voyage sous la thématique de l’improvisation de dernière minute, Je récupère deux jours avant les contacts de Erjola du gite des canyons et de Mujo pour les navettes par intermédiaire de David de Slovénie et les transmet à Komi d’Albanie, notre padawan des canyons. J’essaye de mon coté de contacter Auron Tare, un local qui travaille à l’Unesco et qui tente de développer le tourisme durable. Cette parenthèse pour signaler que faire ça en embarquant au ferry avait un côté utopique et de grande chance de finir en plan galère.
Et pourtant, arrivé sur place, on croise dans l’heure Auron, Mujo et Albi le frère d’Erjola qui nous accueille au gîte. Le plan a marché et on est accueilli en grande pompes. Très vite on réalise que le gîte surplombe littéralement l’encaissement du canyon que l’on voit plonger très vite vers la vallée et on va boire nos rakis en contemplant le projet du lendemain. Mujo me dit qu’il se souvient de ma première visite et où on était allé exactement, on se croirait un peu dans tintin en Syldavie ou le sceptre d’Ottokar avec les espions et l’ambiance pays de l’est.
Auron nous parle de ses projets de développement du tourisme rural pour ce secteur qui est pour l’instant, de mon avis, aux mains de personnes obscures misant sur la culture de cannabis. On lui soumet nos craintes à ce sujet et il nous explique qu’il faudra du temps pour convertir tout les locaux à de meilleures valeurs et que c’est grâce au « project nivice » que le secteur de Kurvelesh deviendra un véritable spot des sports de nature. Il insiste sur le fait d’avoir un guide local pour organiser les déplacements et éviter les éventuels conflits.
Après ces nombreux échanges, un bon repas, direction le dodo afin d’affronter le gros canyon local.
Il fait beau ce matin, c’est le plus beau jour de la semaine, l’équipe est au top, on se lance dans les entrailles du monstre. Le premier encaissement est très court, ludique et superbement sculpté.
Après un quart d’heure de marche, on arrive au second, plus long, tout aussi sculpté mais avec une grosse ambiance, il y a un peu d’eau et les gerbes partent dans tous les sens. On se régale.
Une autre petite partie de marche envahie par les déchets et les égouts, on croise un GR, on passe sous le village et nous voilà au départ d’une troisième qui semble plonger dans les abysses. Le canyon prend de l’ampleur et les cascades se font plus hautes, les bassins aussi. Pas mal de sources gonflent le débit et on commence à changer pas mal d’ancrages détruits par les crues.
L’ambiance augmente encore à l’arrivée des grandes cascades, c’est magnifique, on se croirait à la réunion mais dans du calcaire. La partie technique se finie au pied de la C95 qu’on aura rééquipé avec une ligne moins exposée au gros débit.
On attaque une marche en rivière belle mais un peu longuette. On est rejoint par l’affluent du Gusmar et l’encaissement se referme, on entre dans le fameux corridor de 2km700. Je ne crois pas me souvenir avoir du un encaissement aussi long, régulier et imposant qu’ici. C’est assez unique.
La fatigue commence à poindre dans le groupe et la vitesse de progression diminue. Il n’y a désormais plus de cascades. On rejoint l’affluent du Progonnat, l’encaissement est encore immense. On arrive à la confluence avec le Leckdush et on réalise qu’on est en retard pour le rendez vous avec Mujo et le minibus. On est trois à partir devant à gros rythme pour retrouver nos contacts albanais et les faire attendre. Pas de soucis, il étaient dans la fin du canyon, tranquilles.
En quelques dizaines de minutes on récupère 5 membres du groupe et l’attente commence pour les autres. La nuit tombe et toujours rien. Fred remonte le canyon avec Mujo par les rives. Je redémarre les deux téléphones (français et albanais) et je reçois des messages du genre « vous êtes où? » Et voilà que pointe le plan galère. On voit arriver Murray en courant de nulle part, ils sont montés par un chemin balisé et se trouvent tous au col 500 m de dénivelé plus haut. On apprend que Ivan est parti en stop nous chercher mais il ne sait pas où il est lui même. les portables de Mujo et du chauffeur tombent en panne de batterie, on remonte dans le canyon chercher Fred… On a récupéré 6 personnes. On retrouve Ivan en maillot de bain au bord de la route bien plus bas avec une histoire atypique de chauffeurs étranges. On est 7 maintenant. On remonte au col, on trouve Boustou et Muriel, 9, mais maintenant il manque Yannis qui est parti en stop lui aussi, on ne sait pas où. On rentre au gîte et on croise un convoi de Mercedes. Yannis avait rameuté le village pour aller nous chercher en montagne! 10! ouf on y est tous. Raki time!!
Alors Nivice ça vaut quoi? C’est clairement un beau gros canyon. Il est complet, long, engagé. Pour moi il reste moins époustouflant que Gradeci qui est clairement hors norme mais c’est clairement un beau morceau. Nivice c’est un peu le Gorgopotamos Albanais. C’est souvent très beau, c’est continu et c’est éprouvant. Incontournable.
Fiche Technique |
|
Commune |
Tepelene |
Vallée |
Bence |
Trajet depuis Tepelene |
1 heure 30 minutes |
Difficulté |
Très difficile |
Longueur |
6000m |
Descente en rappel max |
95 m |
Cotation |
V5A5V |
Approche |
10min |
Descente |
6h00 |
Retour |
55min en montée par le GR vers le col 45min à plat par la Bence jusqu’à la piste |
Navette |
oui 10 ou 17km |
Dangers particuliers |
Crues soudaines
Longueur Nombreuses cultures narco |
Roche |
Calcaire |
Intérêt |
3.6/ |
Toujours un grand plaisir de lire tes aventures mon Guigui !!! De beaux clichés, impeccable !!!