Pour ceux qui sont abonnés, ce sera facile mais pour les lecteurs de passage : Vous êtes sur le blog/site pro d’un canyoniste qui aime voyager et rencontrer l’autre. Je raconte ici les étapes importantes d’un voyage de presque deux mois dans les Balkans. Région d’Europe si proche de chez nous et pourtant si inconnue.
Après quelques jours en Albanie, on passe la frontière Monténégrine et on a un programme assez simple. On traverse la partie côtière du pays pour rentrer chez nous travailler. Mais au passage on veut voir quelques sites touristiques qui semblent incontournables, se laissant porter par les réputations et les prospectus.
Première étapes la presqu’île de Stevi Stefan qui semblait incroyable. Elle l’était tellement qu’après deux heures de bouchons, on apprit qu’elle appartenait à une riche personne qui organisait un festival du film pour ses invités avec des peoples telles que Robert de Niro. Bref on ne verra pas cette cité vénitienne c’est pas pour les gens comme nous.
Bien frustrés on prend le chemin de la montagne noire, mon but étant d’impressionner ma copine Julie en la faisant se réveiller dans un des plus gros paysage karstique d’Europe. L’épisode est réussi en éveillant sa curiosité sur les avens ouverts à quelques mètres du bivouac. Le reste de la matinée se déroulera de dégustation de fromage à café vue mer; du tourisme bien sympa. L’après midi on a prévu de faire le final de Skurda, canyon monténégrin descendu quelques semaines plus tôt avec François, et visiter la vieille ville. Autant la première étape sera facile autant la pression des touristes et des locaux désagréables nous poussera à reprendre la route en direction de la Croatie.
Une dernière pause avant Herceg Novi pour se jeter dans le golfe de Kotor et nous voilà à passer quelques frontières avant de rejoindre Dubrovnik.
Dubrovnik, la perle de la méditerranée parait il. Ville vénitienne détruite par la guerre et reconstruite par les aides européennes, support télévisuel de la fameuse série game of throne, on s’y attend à croiser la reine Cersei à chaque coin de ruelle. Mais non ce ne sera pas ça.
Dubrovnik c’est l’aboutissement du tourisme de masse. Jamais cette phrase n’aura autant pris sens que là bas :
Dans le Manuel de l’Antitourisme, Rodolphe Christin observe que « [l]’un des paradoxes du tourisme d’aujourd’hui est de tuer ce dont il vit, en véritable parasite mondophage. Celui-ci préfère le divertissement à la diversité ; le premier est en effet plus confortable car il ne remet rien en cause. Ainsi le touriste déclare son amour à cette planète dans ses moindres recoins, et, ce faisant, il contribue à l’épuiser impitoyablement »
Ici plus de gamins qui jouent dans les rues, les groupes de touristes prennent la place. Ici les vieilles qui étendent leur linge se font railler par des gros porcs désagréable. Ici les filles du villages perdent leur dignité afin de prendre quelques Kuna pour une balade en bateau de Némo ou de Pirates. A aucun moment on ne voit d’habitants, on ne voit que des employés ou gérants de restaurants ou d’hôtel ou des quantités incroyables de touristes. Que sont venu chercher ces gens? Qu’ont ils trouvés? Nous on a pas trouvé ce qu’on cherchait.
Mostar est une ville meurtrie par la guerre. Ici s’est déroulé un des épisodes les plus sombres de l’histoire européenne de ces dernières décennies. Quand les conflits nationalistes ont poussés des amis à s’entre-tuer et des gens normaux à devenir des survivants. Ici l’histoire met une baffe d’une violence incroyable. En sortant de chez Sasha, notre hôte Bosniaque on voit une toiture de parking percé par un tir de mortier. Des rafales de balles sur les murs. des trous dans le sol. Un piéton passe devant un portail criblé d’impact et c’est la réalité de la vie qui saute à la gueule. Il n’y a strictement aucune différence entre un habitant de Mostar et nous et pourtant chaque regard croisé dans la rue a vu l’horreur dans sa plus dure réalité.
On mange au snack, on balade en ville puis on rentre. Mais il y a quelques années ces simples choses de la vie n’existaient plus. Seules existaient les lois de la guerre : survivre, protéger ses proches et espérer.
Lendemain matin on se lève déstabilisés par ces émotions et la première chose que nous voyons sont des hordes de touristes descendant des bus et prenant en photo le pont ottoman…
1981 est un des graffs récurrents en ville. Il s’agit de la victoire de Mostar en football en coupe des Balkans et sa qualification en coupe d’Europe. Le moment où bosniaques et croates se battaient ensemble pour un avenir meilleur.
On reprend la route parce que l’échéance des vacances arrive, direction Plivice et ses lacs. L’ambiance est toujours au tourisme de masse mais l’espace est tellement grand qu’on se sent moins oppressé. Mais même sous la pluie, faire une photo sans aucune personne relève du challenge.
Le tourisme est important pour les populations locales, moi même je vis grâce au tourisme. Mais comment garder l’attrait de notre activité ou de notre région sans sombrer dans le parc d’attraction? La leçon pour moi aura été à Mostar : Il faut rester authentique! Il y a une part d’inconfort à quitter nos habitudes mais c’est comme ça que l’on devient un voyageur.